Petit billet d’humeur
Une amie m’a « taguée » hier sur facebook, sur une discussion à propos d’une application smartphone permettant de consigner toutes les infos concernant les journées de nos bébés : heure de la tétée, durée, quel sein, quelle quantité donnée au bib, heures des changes (et si pipi ou caca), heures et durées des siestes, etc…
Ma première réaction a été un condensé d’étonnement et de rire : « Nan mais c’est QUOI encore que ce truc là ?! »
La personne à l’origine de la discussion n’a pas su me donner le nom de l’appli. Curieuse de voir à quoi ça ressemblait, j’ai cherché. Et des appli du genre, en fait, j’en ai trouvé PLEIN. Certaines gratuites, d’autres payantes, j’ai pas trop creusé mais la plupart proposent plein de fonctionnalités comme des graphiques qui te décortiquent tous les faits et gestes de ton marmot et les tendances journalières, hebdomadaires ou mensuelles. Tu peux même programmer des alarmes pour te rappeler de changer la couche.
Juste pour le fun, j’ai même téléchargé une des appli et mis en application ce matin avec mon loupiot…
C’est beau la technologie….
Bref, j’ai encore rigolé, parce que quand même, a t-on besoin de tout ça franchement ?
Et puis j’ai réfléchi, et là j’ai continué de rigoler mais beaucoup moins, et de plus en plus jaune.
Quel besoin a t-on d’aller ainsi détailler scrupuleusement les journées de nos tout-petits ? Qu’est-ce qui nous pousse à aller noter que Germain a pris le sein gauche pendant 12mn17s à 14h54, ou qu’il a pris 123,5mL de lait artificiel au bib à 8h13, puis qu’à 16h03 on a changé sa couche et que dedans y’avait aussi du caca (c’est limite si on va pas peser la couche pour savoir la quantité de pipi dedans) ?
« ça me rassure »
Tout est là, dans ces 3 mots.
Nous vivons dans une culture du contrôle. Notre vie entière est orchestrée, réglée comme du papier à musique, on se plaît à tout maîtriser, et nos bébés n’échappent pas à la règle !
Le métier de parent est un des plus difficiles, nous voici totalement responsable de la survie, du bien-être et du bon développement d’un petit être en devenir. Bien sûr, hors cas particuliers, chacun va faire du mieux possible pour s’acquitter de cette tâche. Sauf que non seulement nous n’avons pas le mode d’emploi de nos bébés, mais nous croulons sous une multitude de conseils aussi variés que contradictoires. La pression est énorme : de nos proches, du médecin, des gens dans la rue, etc… On se sent observés, jaugés, jugés sur notre capacité à être « un bon parent », selon des critères qui diffèrent d’un individu à un autre évidemment.
Et nous avons aussi notre propre perception de ce que devrait être un « bon parent » qui se rajoute en filigrane.
Le contrôle permet de donner le change, on essaye d’appliquer un modèle qu’on croit être le bon à notre enfant, on veut le faire rentrer dans les cases prédéfinies par ce modèle.
Alors on note. Tout. Les horaires, les quantités, quoi, comment, pourquoi.
On intellectualise.
On rationalise.
« Normalement à tel âge il devrait manger X fois par jour, dormir Y heures à tel ou tel moment, prendre telle ou telle quantité de telle ou telle façon »
Et on se rassure comme on peut en essayant de faire rentrer Germain dans ce moule qu’on a conçu bon gré mal gré pour lui, en fonction de nos croyances et de celles dont nous bourre le crâne notre entourage.
Et finalement, au milieu de tout ça, on en oublie le principal intéressé : notre bébé.
Car Germain, lui, il a pas une horloge dans le ventre ni dans la tête ! Il a faim quand son estomac le lui dicte, et dort quand il a sommeil… Et il enchaîne les cycles de sommeil quand il est prêt physiquement et psychiquement à le faire LUI… Il ne viendrait à l’idée d’aucun adulte de penser que les besoins de son voisins sont exactement les mêmes que les siens, pourquoi devrait-il en être de même pour les bébés ?
De fait, naturellement il est peu probable que l’enfant se conforme au cadre qu’on avait prévu pour lui. Ho bien sûr cela peut arriver, coup de chance ai-je envie de dire Certains bébés seront aussi plus ‘malléables’ que d’autres, et accepteront bon gré mal gré de rentrer dans les petites cases.
Et pour les autres ?
Et bien pour les autres, on trouvera des parents désarmés par les pleurs incessants de leurs enfants, au bord du rouleau et à bout de nerfs. Ou qui lâcheront du lest par rapport à leur moule, honteux.
Et surtout, des parents qui se sentiront bien nullissimes et incompétents.
Noter tout, ça ne rassure que les parents dont les enfants rentrent dans les petites cases définies arbitrairement pour eux. Pour les autres, ça sème le doute sur les capacités à être de « bons parents », et ça laisse sous-entendre au passage que l’enfant est « capricieux », « difficile », « pas normal », une chouette étiquette qui le suivra toute sa vie.
Outre cette étiquette lourde à porter, quelle image renvoie t-on à l’enfant d’une manière générale ? Le tout-petit a une perception naturelle et innée de ses besoins primaires. Quand il exprime sa faim par exemple, mais n’est pas respecté dans ce besoin, on lui renvoie le message qu’il ne sait pas ce qui est bon ou non pour lui. On retrouve cette notion jusque tard d’ailleurs, quand on lui demande de finir une assiette arbitrairement remplie pour lui en fonction de ce qu’on estime être son appétit par exemple, alors même qu’il explique ne plus avoir faim.
Là aussi, l’estime de soi et la confiance en prennent une claque… Tout le monde semble savoir mieux que lui de quoi il a besoin.
Bref, là je ne rigole plus, même jaune…
Arrêtons de nous triturer le neurone pour rien, et revenons aux basiques !!!
Ecoutons nos enfants : eux seuls savent de quoi ils ont besoin et quand !
Ecoutons nos instincts de parents : nous sommes les meilleurs parents qui soient pour nos enfants (et toute façon, ils ont pas le choix :-p )
Bien sûr on fait des erreurs, bien sûr on se plante… Heureusement j’ai envie de dire : quelle pression pour nos enfants que de se construire au milieu de parents parfaits !
Mais on le fait en restant en accord avec nous-mêmes et dans le respect des spécificités de nos loupiots, et ma foi ben on apprend comme ça aussi et c’est rarement si grave
En bonus je dirais que finalement ce lâcher prise permet d’aborder la parentalité avec sérénité et que c’est beaucoup moins fatigant à la fois physiquement que nerveusement que de chercher à lutter contre le courant.
Il va de soi que j’ai déjà viré l’application de mon smartphone (en plus c’était lourdingue de tout retranscrire)
Vous êtes les meilleurs parents qui soient pour vos enfants, n’en doutez jamais !